
"L’accès aux villages périurbains est inégal. [L]es familles populaires doivent s’éloigner considérablement des centres des grandes villes pour trouver un terrain constructible bon marché. Leurs difficultés ne sont pas négligeables. D’autant que les communes où s’installent ces familles sont […] mal équipées. Quand il faut partir à 6h pour être à l’heure sur son lieu de travail, comment déposer les enfants à l’école ? Comment les récupérer le soir ? Les enquêtes montrent que beaucoup s’en sortent à force d’heures supplémentaires, de vacances oubliées et d’autres privations. Mais la peur de l’échec est forte et le ressentiment est grand à l’égard d’un « système » qui poussent ceux qui veulent acquérir une maison à s’exiler loin de tout.
Ce ressentiment est diversement interprété. Pour certains, ces ménages sont des prisonniers volontaires. Rien ne les obligeait à se laisser piéger par les plaquettes alléchantes distribuées par les constructeurs de maison individuelle.
Une autre analyse fait de ces acquéreurs modestes des victimes du système capitaliste. Ils sont d’abord victimes d’un pouvoir politique d’État qui cherche à tempérer les ardeurs révolutionnaires des couches populaires en enchaînant leur fraction salariée stable à un crédit, après leur avoir promis les joies douces et durables du pavillon et de son jardin. Ces promesses servent également les intérêts des entreprises du bâtiment, des constructeurs automobiles et des groupes pétroliers. Et, compte tenu des plus-values foncières offertes par l’urbanisation, les acquéreurs de pavillon sont aussi une manne providentielle pour des élus locaux coalisés avec des propriétaires fonciers.
En bref, les aspirations petites-bourgeoises des classes populaires sont détournées à leur profit par les administrations publiques, les collectivités locales, les gros propriétaires fonciers et les entreprises privées.
Dans une telle perspective, le vote pour le Front National est moins l’expression du racisme ou de l’esprit borné des classes populaires que les conséquences de politiques qui servent avant tout les intérêts des plus favorisés. Ce sont donc ces derniers qu’il faudrait blâmer, avant de stigmatiser des ménages qui s’efforcent d’améliorer leur sort avec les moyens du bord et qui, face à des difficultés qui n’étaient pas annoncées, veulent faire entendre leur dépit."
Ce ressentiment est diversement interprété. Pour certains, ces ménages sont des prisonniers volontaires. Rien ne les obligeait à se laisser piéger par les plaquettes alléchantes distribuées par les constructeurs de maison individuelle.
Une autre analyse fait de ces acquéreurs modestes des victimes du système capitaliste. Ils sont d’abord victimes d’un pouvoir politique d’État qui cherche à tempérer les ardeurs révolutionnaires des couches populaires en enchaînant leur fraction salariée stable à un crédit, après leur avoir promis les joies douces et durables du pavillon et de son jardin. Ces promesses servent également les intérêts des entreprises du bâtiment, des constructeurs automobiles et des groupes pétroliers. Et, compte tenu des plus-values foncières offertes par l’urbanisation, les acquéreurs de pavillon sont aussi une manne providentielle pour des élus locaux coalisés avec des propriétaires fonciers.
En bref, les aspirations petites-bourgeoises des classes populaires sont détournées à leur profit par les administrations publiques, les collectivités locales, les gros propriétaires fonciers et les entreprises privées.
Dans une telle perspective, le vote pour le Front National est moins l’expression du racisme ou de l’esprit borné des classes populaires que les conséquences de politiques qui servent avant tout les intérêts des plus favorisés. Ce sont donc ces derniers qu’il faudrait blâmer, avant de stigmatiser des ménages qui s’efforcent d’améliorer leur sort avec les moyens du bord et qui, face à des difficultés qui n’étaient pas annoncées, veulent faire entendre leur dépit."
La revanche des villages. Eric Charmes (aux éditions du Seuil)