Mairie au bout d'une allée pavée entourée de places de paring vides
Selon une étude soutenue par l’AMF et réalisée par des chercheurs du Centre de sociologie des organisations, 91,2 % des maires interrogés se disent « sous pression », quand 86,7 % d’entre eux déclarent des troubles du sommeil et 85,4 % des moments de lassitude, dans une vaste enquête auprès de 5 000 édiles, publiée dans Le Parisien, vendredi 15 novembre. Pas étonnant, donc, que 44,6 % aient déjà pensé à arrêter ou à démissionner.
« Les maires les plus anciens disent qu’ils n’ont jamais vu un mandat aussi agité, confiait, récemment, Thomas Fromentin, président socialiste de la communauté d’agglomération Pays Foix-Varilhes (Ariège). Il y a des démissions comme jamais : cinq à six maires ont démissionné sur 42 communes dans ma communauté d’agglomération. Un abandon par épuisement. » Covid-19, inflation, crise de l’énergie, émeutes, violences… Le mandat aura été corsé.
Alors que les élus locaux sont pressés par des citoyens toujours plus exigeants, pris en tenaille entre des intercommunalités qui montent en puissance et un Etat qui peine à leur faire confiance, « il existe un risque de dépression collective si notre capacité à agir n’est pas prise en compte », témoigne, par exemple, le président divers gauche du conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard.
« Je suis très inquiet pour les prochaines élections, témoignait Julien Merle, maire sans étiquette de Sérignan-du-Comtat (Vaucluse) sur France Bleu, mi-novembre. Il y a beaucoup de mairies où cela va être compliqué de trouver quelqu’un qui a envie d’être maire. » Notamment du fait des difficultés à jongler avec un emploi. Jean-Paul Carteret, maire sans étiquette de Lavoncourt (Haute-Saône) depuis 1995, a toujours cherché à attirer des jeunes. Or, il constate que « ces derniers sont les premiers à décrocher : six ans de mandat, ils trouvent ça trop long. Et on ne peut pas leur jeter la pierre : des réunions tous les mois, à un âge où on a tout à mener de front, les jeunes ménages ne sont pas prêts à ça. »
Sénatrice (Parti radical de gauche) des Hautes-Pyrénées, Maryse Carrère estime que l’un des enjeux des prochaines municipales sera le « renouvellement massif des baby-boomeurs ». Un constat partagé par le cabinet de la ministre déléguée chargée de la ruralité, Françoise Gatel. En 2026, indique un conseiller, c’est la « fin d’un cycle générationnel qui fera que beaucoup de maires ne se représenteront pas ». 
Alors, la « fatigue républicaine » menace-t-elle les prochaines municipales ? Pas sûr, selon Martial Foucault. « Aucun autre pays au monde n’est capable de rassembler 900 000 candidats pour 47 millions d’électeurs », rappelle-t-il. Or, c’est ce qui s’est produit lors du scrutin de 2020. En 2026, « il y en aura encore plus, veut croire le maire sans étiquette du Séquestre (Tarn), Gérard Poujade. En 2020, il y en a eu plus qu’en 2014, contrairement à ce que l’on dit. »
Certes, rappelle l’élu, on est bien passés de 926 000 candidats en 2014 à 902 000 en 2020. Mais, dans le même temps, le nombre de communes a baissé de 36 700 à 35 000. Par conséquent, le nombre de candidats par commune était plus élevé. Pas de panique, donc. Le président de l’AMF, David Lisnard, relativise lui aussi. Un « risque » existe, dit le maire (Les Républicains) de Cannes (Alpes-Maritimes), « mais je vois encore des vocations civiques dans mes déplacements ».
Quoi qu’il en soit, le gouvernement a bien identifié le danger. Lors des municipales de juin 2020, 345 conseils municipaux étaient incomplets et 106 communes n’avaient pas de candidats. « Il y a eu une petite alerte, note un proche de Françoise Gatel. Il faut éviter que ça se reproduise en 2026. » Pour le gouvernement, l’une des réponses est de renforcer le statut de l’élu. Catherine Vautrin a promis de soutenir, dès janvier, la proposition de loi déjà votée en mars par le Sénat, qui prévoit d’améliorer l’indemnisation et la protection sociale des maires, ou encore une meilleure articulation avec la vie professionnelle… Avec l’espoir que cela mette un coup de frein à la vague de départs.

Avec la hausse des démissions de maires, la crainte d’un « crash démocratique »
Par Camille Bordenet et Benoît Floc’h, Le Monde.
Publié le 20 novembre 2024.
 

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